Berno Cayola cultive du maïs et de la luzerne dans la région de Cochabamba, au sud de La Paz. Comme la majorité des agriculteurs boliviens, il cumule deux emplois.
Huit heures du matin à Cochabamba. Berno accuse vingt minutes de retard, un moindre mal dans ce pays. Au volant de sa voiture, il roule vers son village, Arani, à environ 60 kilomètres. «La Terre légendaire du pain et du vent» est perchée à 2767 mètres d'altitude et, pourtant, la température moyenne s'élève à 23,2°C. En chemin, huit voyageurs montent dans son combi (les mini-bus locaux). Une discussion en Quechua, le dialecte
local, débute spontanément.
Les nouveaux venus paieront la course. Comme la majorité des paysans boliviens, Berno cumule deux emplois: le travail de la terre et la conduite du taxi collectif entre son village et Cochabamba. «J’aimerais bien vivre seulement de l'agriculture, mais cela ne suffit pas pour sortir de la pauvreté», affirme-t-il, résigné.
Dans la région, il pleut de décembre à mars (inondations), et presque plus une goutte le reste de l’année. Son activité agricole se concentre donc principalement durant la période des semailles, en septembre, et de la récolte, entre avril et août. Le reste de l’année, il jongle entre ses champs et sa voiture. Pour pouvoir acheter son mini-bus d’occasion, Berno a dû travailler trois ans dans une exploitation en Argentine.
Maïs, luzerne et animaux
Si les exploitations locales atteignent parfois 5000 m2, Berno cultive à peine 1000 m2 de maïs blanc et 400 m2 de luzerne. Il vend 70% de sa production aux marchés de Punata
le mardi et d’Arani le jeudi. Les luzernes servent à l’alimentation de ses animaux: des cochons d’Inde – la spécialité locale – trois cochons, quelques lapins, les deux vaches de sa belle-mère et quatre poulets.
Quelques mois plus tôt, ils élevaient encore une centaine de gallinacés dans 24 m2. L’agriculteur les a tous vendus pour faire reposer sa «grande cage». Pour compléter son alimentation, la famille produit un peu d’oignons, de carottes et de fromage.
Margarita, la femme de Berno, quitte rarement le domicile familial. «Je me charge d’élever les poulets, les cochons et les lapins. Je participe également aux semis et à la récole. Et bien sûr, je m’occupe de mes deux filles et maintient l’ordre dans la maison.» A la fin du repas, avant d’entamer le travail, le paysan bolivien fait un signe de croix et débute la mastication de feuilles de coca.
Des carences en eau
La principale difficulté de l’agriculture bolivienne est le manque d’eau durant la saison
sèche. Deux puits d’eaux profondes approvisionnent alors les quarante paysans du village. Ces derniers disposent de six heures d’irrigation par mois pour chaque puits. Une
goutte d’eau dans le désert.
Les deux puits alimentent un petit cours d’eau chacun. Lorsqu’ils ont le droit d’arroser,
Berno ou sa belle-mère détourne l’eau à l’aide d’une bêche. Une fois le temps écoulé,
ils referment la brèche et le ruisselet retrouve son cours habituel. Cette rareté de l’eau
réduit fortement l’activité agricole.
La belle-mère de Berno attend l’écoulement de l’eau après avoir ouvert une brèche dans le ruisselet.
Grâce à l’agriculture, Berno peut nourrir sa famille et gagne 250 bolivianos par mois, l’équivalent de 25 euros. En dehors des périodes de semailles et de récolte, il travaille
seulement un jour par semaine dans les champs. Le reste de la semaine, il conduit
son taxi pour 70 à 80 bolivianos par jour, soit environ 7 euros. L’agriculture locale dépend
trop de l’eau naturelle, de ses problèmes techniques (faible utilisation des engrais, des machines, etc.) et de stockage pour permettre un niveau de vie équivalent à celui des villes.
Berno et sa famille oeuvrent toujours avec pioches, bêches et râteaux. Durant les semis, ils louent parfois les services d’un tracteur et du chauffeur. Tout le reste se fait «à l’ancienne».
Ils utilisent encore le moulin hydraulique d’un village voisin pour moudre les grains de maïs. Néanmoins, Berno ne doute pas de la survie de sa petite exploitation. Il l’affirme sereinement: «Je pense que mes filles et leurs époux continueront de travailler nos terres».
Guillaume Bur
Cet article a été publié dans AgriHebdo.